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L'enfant libre
1 octobre 2022

La culture de l’inceste

La culture de l’inceste

Editions du Seuil

 

Iris Brey, Juliet Drouar, Wendy  Delorme, 

Dorothée Dussy,Sokna Fall, Ovidie, Tal Piterbraut-Merx 

 

 

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Voilà un livre remarquable tant il relie l’intime et le politique dans une perspective émancipatrice. Il s’agit d’une réapropriation du discours sur l’inceste pour l’inscrire dans une vision qui en inclue tous les aspects : clinique, social, psychique et bien sur politique.

C’est sur ce dernier aspect que le livre est le plus éclairant car il parvient à nous donner tous les éléments pour pouvoir penser l’inceste comme processus de domination et de structuration d’un ordre social basé sur cette domination. Un travail qui donne la parole à l’intime et à la souffrance dans une volonté et un désir de résistance et d’affirmation d’une parole authentique et émancipatrice.

Ce livre questionne constamment le  fonctionnement familial et particulièrement la place occupée par les enfants. Personnes à la fois les plus accessibles et les plus vulnérables : les enfants bien souvent privés de droits se trouvent dans une dépendance absolue par rapport aux adultes et leur famille.

On retrouve cette position de l’enfant, lorsqu’il est confronté à la violence éducative ordinaire. Avec les mêmes processus de silenciation, de possible reproduction de la violence et de banalisation par le corps social.

Les enfants se construisent en apprenant à ne pas reconnaître leur souffrance et à devoir gérer ce paradoxe de vivre dans une famille considérée comme protectrice alors qu’on y est  maltraité.

Notre réflexion sur le processus de perpétuation de la violence éducative ordinaire peut être réellement enrichie à la lecture critique de ce travail. Nous en proposons un commentaire, ainsi que certains extraits des trois premiers chapitres.

 

Introduction-Iris Brey- Juliet Drouar

 

Pourquoi un homme viole un petit garçon ? demandent dans l’introduction, Iris Brey et Juliet Drouar ? « La réponse est simple parce que lui-même a intégré qu'il pouvait le faire. L'agression sexuelle, le viol d'un enfant font partie de mécanismes de domination qui perdurent. » Reprenant la thèse développée dans « Le berceau  des dominations » par Dorothée Dussy,  ce livre met l’accent sur une réalité où il n'est pas interdit d’infliger l’inceste, mais il est toujours tabou d'en parler. Et cet empêchement de parler est systémique. 

 

Cette silenciation se joue  d'abord au niveau de la famille. L'idée que l'enfant ne parle pas est fausse. L'enfant parle, le corps de l'enfant parle, mais personne ne veut l’entendre, le voir. L'enfant ne peut pas utiliser le vocabulaire adulte pour dénoncer les agressions, mais il exprime souvent sa peur son incompréhension, son appréhension à être avec la personne qui l’agresse. Des signes peuvent apparaître, le besoin de contrôler ce qui pénètre le corps comme la nourriture, la scarification, des saignements, un mal au genou, des symptômes qui racontent l’effraction. (p 11)

 

 

Interroger la pratique de l’inceste 

au delà de l’exception  pathologique

 

Les auteurs et autrices du livre, appellent à sortir d'une pathologisation de l'inceste. Dorothée Dussy dans son livre « Le berceau des dominations » écrit : les personnes qui incestent ne le font pas parce qu'elles ont des penchants pédophiles ou parce qu'elles sont malades, ou parce qu'elles sont des monstres. Elles le font parce que le corps des enfants est le plus facile à dominer.

 

Parler de culture de l'inceste permet de comprendre les agencements multiples et complexes des situations d'inceste, qui reposent tous sur le même principe : une personne utilise sa position d'autorité pour commettre une agression dans le cadre de la famille. (p 15)

 

Le sociologue Éric Fassin définit la culture du viol de cette manière : « il s'agit de penser la violence sexuelle en termes culturels et non individuels, non pas comme une exception pathologique, mais comme une pratique inscrite dans la norme qui la rend possible en la tolérant, voire en l'encourageant. Le viol apparaît ainsi comme un comportement extrême dans un continuum qui commence par des comportements ordinaires, jugés normaux. » p 16

 

La nécessité d’une réponse sociétale

 

Le livre s’affirme comme un travail qui veut sortir des témoignages, sortir des débats psychanalytiques et se concentrer sur le pourquoi avec une approche pluridisciplinaire, académique et militante. Un livre qui aborde l'inceste comme un trauma collectif puisqu'il concerne un un-une français-française sur 10. « Nous parlons de 6,7 millions de victimes en France. »  (sondage Ipsos de novembre 2020 réalisé pour l’association Face à l’inceste).

 

La réponse à cette culture de l’inceste ne doit  plus être seulement familiale mais sociétale. Il s’agit de déplacer la question de l'inceste du champ de l'intime, du cabinet de thérapeute ou des cours de justice, pour la placer dans le champ public. Le propos n’est  pas de nier la puissance d'une parole qui se livre dans le cadre de la thérapie mais une volonté de proposer un cadre théorique qui accompagne cette parole de l'intime dans un contexte sociétal. La réponse clinique à l'inceste n'est pas la seule pour réparer l’inceste. Ce livre se veut donner la possibilité de penser une « réponse politisée et collective à l’inceste ». p 17

 

Retrouver les traces de l’agression

cheminer avec son histoire

 

Iris Brey l’écrit parfaitement avec une profonde justesse :  «  Ce qui traumatise dans l'inceste, c'est tout autant la manière dont il apparaît que la manière dont il s’efface de nos mémoires, s’efface du récit familial et s’efface de la société. Le trauma devient indicible et non représentable parce qu'il est, en soi, marquée par l'oubli et la dissociation, souvent il ne laisse aucune trace, aucune preuve. p 23 »

 

Elle écrit son cheminement pour retrouver une intimité et une réparation qui ne signifient pas  effacement des traces. 

 

« Mon corps est une archive vivante de mon inceste. Celles et ceux qui ont voulu m'aimer s’y sont confrontés. J'ai du le sonder pour comprendre où les souvenirs s’y logeaient, j'ai dû le retrouver et le parcourir pour en reprendre possession. Et parfois il m'échappe encore. J'ai compris que la réparation de ce corps passait par mon lesbianisme. Dans mon expérience, le corps d'une femme n'est pas menaçant… La sexualité lesbienne est devenue pour moi à la fois un refuge et un endroit de réinvention. Un lieu qui est à la fois habité par l'inceste et qui en est vierge. Un endroit de tensions entre la présence invisible de l’inceste, les possibilités infinies de rencontre avec mon corps et celui des autres femmes. J'accepte aujourd'hui que mon plaisir sexuel prenne ses racines dans un endroit de peine infini. 

Dans la technique philosophique japonaise du Kintsugi, le bol brisé est réparé par une pâte dorée. La réparation ne vient pas nier la fracture, elle la sublime et la matière est visible aux yeux de toutes et tous … »

 

 Sokhna Fall 

Une mémoire soumise à la loi du silence

 

Sokhna Fall revient sur cette silenciation imposée aux victimes par le système de domination inhérent à l’inceste. Lorsqu'une victime ignore tout ou partie de ce qui lui a été infligé, elle protège et perpétue malgré elle le système de domination. Il ne lui est pas possible de mettre fin aux agissements des agresseurs et des agresseuses par une action en justice. Celui qu'elle a  introjecté malgré elle est inaccessible, invisible, insaisissable, et ceux qu’elle rencontre peut-être dans une recherche aveugle d’élucidation du drame initial peuvent facilement arguer de son consentement. Le silence de la mémoire protège les agresseurs et les agresseuses. p 32

 

Ce doute du corps social dans son ensemble, les survivants-tes l'entendent bien. Si la tempête neurologique déclenchée par les actes inconcevables n'y a pas suffi, ce bain d'invalidation anticipée y parviendra. Les victimes oublient ou doutent. p 39

 

Le doute profitera à celui ou celle qui ne sera jamais accusé. Tant que les victimes ignorent, culpabilisent, ils sont convaincus que leurs symptômes parlent de qui elles sont et non de ce qu'elles ont vécu, leur souffrance paraît sans fin et la culture de l'inceste se perpétue, de génération en génération.

 

L’inceste dans les règles du patriarcat 

Juliet Drouar

 

Après un repérage des règles inhérentes à  la pratique de l’inceste, Juliet Drouar développe en détails les mécanismes de la domination âgiste dans la famille occidentale. Il/elle dénonce la confusion entre interdépendance des êtres et postures dominantes et interroge la place des mères complices ou  incestueuses.

 

« Il y a des règles dans l'inceste : l'inceste est sauf exceptions initiée par la/le plus âgé/ée, (homme ou femme, fille ou fils, Cousins cousines etc.) et majoritairement par les hommes de la famille. L'inceste est donc pratiqué par celles et ceux qui occupent structurellement une position de pouvoir en raison de leur âge et ou de leur sexe. 

La règle numéro deux : il n'y a pas d'amour dans l'inceste. Celles et ceux qui le pratiquent, détiennent, affirment, et profitent de leur position de pouvoir. Celles et  ceux qui le pratiquent l'imposent à celles et ceux qui en sont victimes et qui ne peuvent y résister à cause de cette asymétrie de pouvoirs. 

 

Sont entretenues, la confusion entre domination et amour, entre enfoncement des limites et possibilité de consentir. Consentement impossible dans de telles configurations d'asymétrie de pouvoirs et de dépendance physique et matérielle à d'autres que soi. Il s’agit bien d’un acte de domination pour asseoir et bénéficier des positions de domination liées à l'âge et au sexe qui fondent la famille occidentale.

 

Interdédépendance ne signifie pas domination

 

 À cette domination par le sexe, structurel de la famille occidentale, s’ajoute la domination par l'âge. Juliet Drouar écrit : « Il semble aujourd'hui tout à fait naturel que l'âge soit compté précisément en année et que ce décompte donne lieu à des capacités ou une capacité spécifique ( ester en justice, travailler, décider des opérations réalisées sur son corps, de ses déplacements dans l'espace, etc.) … L’âge calendaire n'est donc pas un fait naturel mais un âge social en ceci qu'il donne une place sociale inférieure ou supérieure en fonction d'un développement organique qui ne le présage pas. » Les individus occupent une place sociale inégalitaire en congruence avec un nombre d’années. p 55

 

Juliet Drouar le rappelle fort justement, notre condition d’êtres interdépendants, cette nécessité des liens sociaux pour survivre ne justifie aucune domination. « Notre culture vient autonomiser les uns par exemple, les personnes adultes, les personnes valides, et accentuer la dépendance des autres. Cette dépendance est justifiée à la fois par des discours scientifiques essentialisants et par la notion dévoyée de protection qui signifie plus souvent mettre sous tutelle, contrôler, dominer plutôt que par exemple, apprendre à l'autre à mettre ses limites et à les faire respecter. » 

 

Les incestes commis par les mères

 

Le nombre d'incestes pratiqués par les mères représente une part conséquente des incestes (un quart environ-p 57-)-(les sources de ce chiffrage élevé ne figurent pas dans le livre). Juliet Drouar écrit : «  elles profitent et assoient une position de domination par l'âge, en tant que premier propriétaire des enfants. » Les incestes commis par des personnes femmes utilisent exactement le même répertoire que celui des hommes ! 

 

Pour Juliet Drouar on sous-estime les actes d'inceste commis par les femmes ou les filles du fait de « l'impossibilité et de l'incapacité sociale à penser ce genre, comme pouvant user de violences. »  Il-elle propose de regarder les positions de mère complice à travers le prisme du sexisme, « sur un spectre qui va du déni des incestes qui se déroulent sous leurs yeux à l'acte de livrer l’enfant. » 

 

Selon lui/elle, la position de complice de la mère peut être vue comme une expression de genre car les hommes sont sauf exceptions non pas complices mais bien premiers protagonistes. La posture de la mère qui ferme les yeux pourrait être vue parfois aussi comme conséquence des risques qu'elle prendrait à protéger ses enfants dans un contexte sexiste avec la peur d’affronter son conjoint et s'exposer elle-même à des violences physiques, sexuelles et matérielles. Elle ajoute : « Ce sont des pistes, des hypothèses, des angles de lecture qui n'excluent pas d'autres approches mais qui les  complètent. » 

 

Dorothée Dussy, dans la conclusion du « Berceau des dominations » écarte toute spécificité féminine dans le passage à  l’acte incestueux : « les filles incestueuses, profitant de la même façon que les garçons des préceptes et des implicites de la pédagogie érotisée de l’écrasement constitutifs de l’ordre social. » Les femmes s’identifient à l’incesteur pour occuper la place de l’écrasement et perpétuent cette socialisation par l’agression sexuelle et la silenciation qui l’accompagne. Est ainsi battue en brèche la théorie féministe des années 90 qui plaçait le patriarcat seul responsable des agressions sexuelles intra-familiales. (Le berceau  des dominations p 378)

 

Refonder la parentalité

 

Il est urgent de repenser cette parentalité fondée sur une relation homme femme c'est-à-dire sexiste plutôt que entre les personnes. p 63

L’un des leviers pour combattre l’inceste serait de remettre en question ce principe de domination fondée sur l’âge et autour des concepts d'hommes et de femmes pour constituer la communauté familiale. Elle/il insiste sur l’importance à conscientiser ces enjeux et « d'apprendre et de proposer l'apprentissage à tous et toutes, et le plus tôt possible des notions de limites corporelles, de consentement et de consensus. »

 

Oreilles cousues et mémoire mutines

Tal Piterbraut-Merx

 

Tal Piterbraut-Merx interroge la légitimité de la structure familiale et la considère plus comme un droit découlant de la procréation que comme un devoir véritable envers l’enfant. D'autant plus que les enquêtes statistiques le montrent : c'est dans les murs de la maison que la plupart des violences faites aux enfants surviennent. Elle propose d’imaginer un sujet social fragile qu'on aurait à cœur de protéger. Si ce sujet se trouve entre les mains d'autres qui possèdent un pouvoir matériel symbolique juridique sur lui et que lui-même est privé de ces ressources serait-il surprenant que dans un tel cadre de nombreuses occurrences de violence soient à déplorer ? « La légitimation juridique de la puissance parentale autorise un rapport de pouvoirs qui ne peut conduire qu'à des violences » .

 

Elle affirme clairement que ces actes ne pourraient être considérés comme de simples dérives des « bavures » parentales. Elle poursuit : l'enfant n'est pas naturellement vulnérable, mais sa vulnérabilité est un produit des institutions sociales.

 

L'inceste est un acte de violence qui se situe au carrefour de différents rapports de pouvoir : les rapports adultes enfants et les rapports de genre. Son théâtre est la famille et la complexité de ses liens qui met en jeu des relations d’amour, de soin, d'autorité et de pouvoirs. De plus, la famille possède cette caractéristique que les rapports de pouvoirs s’exercent souvent sous une forme affective qui risque de masquer leur violence. La plupart du temps, l'enfant ne s’attend pas à ce que l'adulte qui est censé lui apporter secours et affection va lui faire du mal.

 

Les enfants sont élevés dans l'idée que les comportements des adultes à leur égard sont justifiées par leur éducation, qu'ils agissent dans leurs intérêts. L’une des conséquences est que l’adulte oublie ou  minimise pour une grande partie les violences vécues. « La mémoire opère son travail de sélection et de tri et les souvenirs se parent d'un éclat nouveau. » Et lorsque l'enfant devenu adulte et doté d'une autorité nouvelle, rencontre des enfants, son amnésie rend possible l'exercice du pouvoir.

Elle ajoute que le fait que les petits garçons occupent une place non négligeable dans le rang des victimes, exige de revoir l'interprétation de l'inceste comme une émanation du pouvoir patriarcal. 

 

Du rôle des grands hommes 

dans la reconduction des pratiques d’inceste

Dorothée Dussy

 

Dorothée Dussy interroge la responsabilité des anthropologues hommes comme Claude Levi-Strauss ou  Maurice Godelier dans la pérennisation de l’inceste comme pratique impensée. Son hypothèse est  que l’importance du discours sur le tabou  de l’inceste comme « interdit fondamental » joue un rôle « dans la reconduction des pratiques d'inceste à travers un déni actif et constant des situations réelles d’inceste. »

 

Elle démontre que ces discours déconnectés de toute réalité n’offrent aucun outil pour  comprendre et documenter toutes les situations d’inceste dévoilées depuis le « # Me-Too-Inceste ». En s’appuyant  sur l’affaire Duhamel, elle montre que l’inceste subi par le frère de Camille Kouchner n’a nullement empêché O Duhamel de poursuivre tranquillement sa carrière. « La pratique réelle de l’inceste ne change rien à la bonne marche du monde et de l'économie ni à la bonne marche de la famille qui supporte bon en mal en la dévastation intérieure des enfants incestés et de leurs proches.»

 

Pour elle, la posture qui consiste à ne jamais évoquer la contrainte quand on parle de  l'inceste procède d'un parti pris qui tourne le dos à des éléments constitutifs de l'intégralité des situations d’inceste : « d'une part il s'agit toujours de viols, d’autre part, l'incesté n'est pas un adulte c'est-à-dire un être sexuellement mature mais un enfant ou un adolescent parfois un bébé ou un nourrisson. L'inceste se caractérise par l’asymétrie des positions, le rapport de domination, et l’injonction au silence. » Affirmer que l'inceste est un interdit fondamental et qu'il se caractérise uniquement par des questions liées au choix du conjoint fait silence sur les violences, silence sur la banalité de la pratique de l'inceste. Et cela contribue à maintenir l'inceste dans un espace intellectuel ou il reste impensé.

 

Dorothée Dussy interroge : « comment peut-on sérieusement continuer de penser que c'est l'interdit de l'inceste qui fait de nous des humains quand on prend acte qu'il y a des millions d'humains qui incestent ? Comment s'y prennent les grands anthropologues pour prétendre être spécialistes de l'inceste tout en ne prononçant jamais les mots « viols », ou « violence sexuelle » ou « enfant » ?

 

Une question demeure …

 

Les auteurs et autrices du  livre affichent à la fois leur militantisme féministe et leur posture d’universitaires. C’est  à partir de ce double engagement qu’elles proposent un nouveau regard sur l’inceste comme phénomène culturel, arrimé à des processus de domination.

 

Il demeure cependant une question : si  la domination adulte est  omniprésente dans notre culture occidentale, le passage à l’acte incestueux ne se produit pas dans toutes les familles. Domination n’implique pas obligatoirement agression sexuelle intra-familiale. Il y a alors à s’interroger sur la nature des mécanismes qui vont  favoriser le viol incestueux. D Dussy nous dit : « l’inceste arrive toujours dans une famille où il est  déjà là ».  On peut comprendre qu’elle fait référence à la possibilité d’un processus trans-générationnel qui se nourrirait de cette loi du silence pour atteindre les générations à  venir et perpétuer les relations de domination par les agressions sexuelles. 

 

Rappelons ce que dit  Muriel Salmona à propos des agresseurs : 

 

« L’écrasante majorité des agresseurs, ont  une compagne, une vie ordinaire, lorsqu’ils agressent, ils choisissent une victime comme fusible, pour s’anesthésier. Il y a cet auto traitement sauvage pour s’anesthésier mais il y a aussi la position dominante et les deux sont intriquées, on ne peut  pas séparer les deux systèmes. (M Salmona : Louie-Peut-être une nuit-6)

 

Muriel Salmona fait référence à un processus social par une posture dominante mais elle le relie aussi au parcours individuel de l’agresseur, ancienne victime. 

 

Alice Miller dit la même chose lorsqu’elle évoque les agresseurs :  « C’était pour eux un exutoire à leur haine de la petite enfance, ils ont reproduit de la même manière l’atrocité commise sur eux, le meurtre de l’âme perpétré sur les enfants qu’ils avaient été. Ils ne faisaient que reproduire inlassablement le meurtre de leur propre enfance. »  (La connaissance interdite p 100 )

 

Prendre en compte l’histoire des agresseurs/euses pour tenter de déchiffrer tous les mécanismes qui conduisent au passage à l’acte incestueux ne les dédouane pas de la gravité de leurs actes. Et accorder une place à cette dynamique inter-subjective de reproduction d’une violence subie dans l’enfance est bien une lecture politique du processus de domination. 

 

Le 01 octobre  2022  Jean Pierre Thielland

 

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Commentaires
C
Je te remercie des passages que tu cites, j'ai adoré ce livre, ton article me permets d'y replonger et de refaire des liens.<br /> <br /> <br /> <br /> Je te remercie aussi Jean-Pierre de reconnaitre l'aspect systémique des violences faites aux jeunes personnes, il est essentiel pour comprendre les violences individuelles, familiales et intergénérationnelles. <br /> <br /> <br /> <br /> Nous sommes des êtres sociaux, nous apprenons en relation avec les autres et les valeurs sociales dominantes que chacun.e porte, comme s'il n'y avait d’étanchéité entre l'individuel et le social (c'est le dualisme qui nous le fait croire)<br /> <br /> <br /> <br /> C'est intéressant aussi de mettre en parallèle la domination patriarcale et la domination adulte, qui s'infuse l'une l'autre dans la relation dissymétrique avec les jeunes personnes.<br /> <br /> <br /> <br /> Personnellement je ne crois pas au bienfait de la punition pour les adultes comme pour les enfants, la justice restaurative peut nous apporter des pistes de réflexion à ce sujet<br /> <br /> <br /> <br /> Bien à toi<br /> <br /> Cahty
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